Doutes dans l’esprit

(« Il ne fait aucun doute dans mon esprit qu’il s’agit d’ETA », Jose-Maria Aznar, le 11-03-04)

Les images de rames de trains espagnols en lambeaux, comme une métaphore aux corps déchiquetés. Et ces commentaires péremptoires désignant la coupable ETA… Dans la bouche des journalistes de télévision, on tempère quelque peu les propos des responsables politiques espagnols.
Tandis que les radios font le tour du petit monde des experts, l’on entend ici ou là dire que ces attentats portent « indubitablement » la marque de l’ETA, parce que les explosifs, parce que le train, parce que ces derniers mois, parce que l’organisation est moribonde, tout et son contraire permet de renforcer une thèse que rien n’étaye sérieusement.
On écoute, on doute. Finalement en plein milieu de la grande messe du 20h, l’info tombe : une camionnette volée vient d’être retrouvée avec détonateur et cassette des versets du Coran en 8 leçons. Ah ! Ces Basques, quelle bande de farceurs, s’ils croient qu’on va mordre à l’hameçon !
Puis, le lendemain, Al Qaeda revendique par le biais de son canal traditionnel et l’ETA dément par le biais de son canal habituel. Mais cela n’est pas suffisant, le gouvernement espagnol change d’un iota sa position : on passe de la « certitude dans l’esprit » au doute hyperbolique car rien ne prouve encore qu’il s’agisse bien d’Al Qaeda.
Ajoutez là dessus, l’argument massue. La ministre des affaires étrangères envoie une circulaire à toutes les ambassades pour que leurs représentants affirment qu’il s’agit d’ETA. Tous les ambassadeurs doivent s’appliquer à expliquer que le ministre de l’intérieur fonde sa certitude sur des informations qu’il tient secrètes pour ne pas mettre en péril le bon déroulement de l’enquête.

Depuis jeudi matin, j’ai quant à moi une certitude. Si c’est ETA, c’est bon pour le parti d’Aznar, si c’est Al Qaeda, c’est mauvais. Tout le monde a compris ça, surtout les Espagnols. Ils savent. Mais le gouvernement sait qu’il conserve une latitude importante pour jouer la carte basque, et qu’il doit la jouer le plus possible jusqu’à dimanche, jour des élections. Quand on joue… parfois on perd.
Mais jouer avec 200 morts, 45 blessés graves et plus de 1000 blessés, c’est pas joli.

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