Télé, Thélot, T’es lourdé

Bon, je ne l’ai pas lu. Le rapport Thélot. Mais j’ai entendu les réactions à la télé. Ça me suffit, j’ai compris. Faut revenir aux fondamentaux. Apprendre à lire et à compter, c’est bien, c’est assez. D’après les commentaires, l’école ne parvient plus à remplir sa fonction élémentaire. Il faut donc mettre le paquet sur apprendre à lire et à compter. Pour ce faire, un seul truc : le rétablissement de l’autorité.

Au lieu de rentrer dans le débat, ouvert par le ministère de l’éducation, je vais d’abord faire part de mes préjugés. J’ai été prof. J’enseignais la philo à des élèves de terminale. J’ai été élève, étudiant. Je vis avec une enseignante qui connaît par coeur la situation d’aujourd’hui. C’est pas une tendre et ses élèves – une ZEP du 93 – savent ce que c’est que la discipline. Bref, j’en sais assez pour avoir des préjugés solides.

Quand un élève arrive dans une terminale générale, il est presque tiré d’affaires. Il n’a plus qu’une envie, en finir, avoir ce satané bac et passer aux choses sérieuses. Le prof de philo de terminale doit faire face à un dilemme : doit-il enseigner à penser librement ou le bon usage du dictionnaire des citations dans une dissertation en trois parties ? La première question que les élèves posent c’est : « A quoi sert la philo, monsieur, je veux dire dans la vie réelle ? ».
Hein ? Quoi ? Ben à rien, bien sûr, c’est là toute la question : qu’est-ce que vient foutre la philo dans les lycées ? Qu’est-ce que c’est d’ailleurs qu’enseigner ? Quelque soit la matière…
C’est là que l’on a un souci majeur, celui de l’utilité face à la liberté. Et le courant de pensée actuellement dominant aussi bien dans les organes du pouvoir que ceux de l’information semble dire : nous sommes en crise économique, faisons dans l’utile. Formons les gens à être d’utiles travailleurs et de bons consommateurs.

Le débat est connu, rebattu depuis des décennies. Mais il y a un truc nouveau : la mondialisation. Que va-t-on faire d’un diplômé en compta, devenu opérateur de saisie, payé 1,2 fois le Smic en première année, quand le même boulot peut-être fait par un ingénieur système payé 10 fois moins à l’autre bout du monde ? Du coup, on a inventé le lumpen consommateur, le consommateur du quart-monde. Petit salaire, plus petit que le Smic, gros consommateur de télé, grandes surfaces avec plein de produits de série Z, moitié prix. Il consomme la production chinoise et produit la consommation des classes supérieures.

Dans les périodes de creux, on le met au chômage, puis au RMI, voire au RMA (là, il ne coûte vraiment plus rien), il s’endette un peu pour le frigidaire ou la bagnole, et puis quand ça va un peu mieux, on le reprend comme opérateur de saisie, comme il peut rattraper les traites en retard.

Pour accepter ça, il faut être un gros consommateur de télé, de jeux couillons, de constats genre « on est quand même mieux ici qu’au Darfour ». Bref, il suffit de savoir « lire » les programmes de télé, et « compter » les sous à la caisse du supermarché. Mais faut pas penser, non surtout pas penser. Parce que sinon, on déprime. Et déprimer c’est pas bon pour la consommation des ménages

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