Tim Berners-Lee, le sens du lien

A la lecture de ce texte, on sent immédiatement que les auteurs sont conscients de vivre un moment clef de l’histoire. Et c’est une avancée majeure dont ils viennent de terminer l’expérimentation. Depuis quelques mois en effet, ils testent grandeur nature, un système de communication qu’ils ont appelé W3 pour World Wide Web. L’expérimentation est concluante, les premiers utilisateurs sont enthousiastes et les auteurs souhaitent donc que l’expérience soit généralisée.

Tim Berners-Lee

Tim Berners-Lee

Le texte reprend quelques unes des idées déjà exposées par Tim Berners Lee dans ses précédentes communications, notamment au sein du CERN qui l’emploie. Elles s’inscrivent dans le lignage de ses prédécesseurs Vannevar Bush, J.C.R. Licklider et Vinton Cerf. Il reprend presque mot pour mot le projet de Bush mais en parlant maintenant de l’hypertexte :

« When the user of a hypertext editor has found what he wants (no matter how remote), he can make a new link to it from his home page so that he can find it again later almost instantly. This is generally preferable to making a copy which may soon be out of date. »

Modifier la topologie de l’information

Quand Bush évoquait la nature « indexante » de la machine et l’opposait à la nature associative de l’esprit humain avec comme projet que les deux puissent coexister pour le bénéfice de l’humanité, Tim Berners-Lee de son côté valide un système dont il dit que l’une des fonctionnalités est de permettre via les liens « (…) de faire évoluer la topologie de l’information, et ainsi modeler l’état du savoir humain à tout moment sans contrainte [1]».

A près d’un demi-siècle de distance, les deux hommes se répondent, créant ainsi un axe de pensée qui tente de répondre à la même question : à quelles conditions les hommes peuvent-ils partager toutes leurs connaissances ? En quoi la topologie de l’information a-t-elle des effets sur la connaissance, c’est le genre de question à laquelle on ne peut répondre qu’en passant à l’échelle 1. Toutes les questions de sciences humaines, et la question de la connaissance collective en est une, appellent à la mise en place d’un projet que seuls des ingénieurs sont en mesure de déployer. Le texte de Tim Berners-Lee boucle la boucle ouverte par Bush, nous voilà enfin en position de donner un futur immédiat à ce projet, nous disposons enfin des outils pour rendre le rêve concret. Berners-Lee conclut son article par ces mots : « When you do, pick up your pen, mouse or favorite pointing device and press it on a reference in this document… the dream is coming true. »

Tim Berners-Lee and Robert Cailliau and Jean-Francois Groff and Bernd Pollermann, World-Wide Web: The Information Universe, 1992, CERN

The Enquire System Le texte initial de Tim Berners-Lee datant d’octobre 1980 et décrivant le « enquire system », véritable introduction à la description d’un corpus par un systèmes d’hyperliens : The Enquire System, 1980.

Pour aller plus loin, voici les éléments du débat en cours entre d’une part Chris Anderson (Wired) et Michael Wolff dans le numéro d’août 2010 de Wired consacré à la question de l’évolution de l’Internet vers des apps qui s’éloignent du Web tel que nous le connaissons depuis 15 ans, et la réponse faite par Tim Berners-Lee, him self, dans le numéro de décembre de Scientific American de décembre 2010.


[1] in World-Wide Web: The Information Universe, Tim Berners-Lee, Robert Cailliau, Jean-François Groff, Bernd Pollermann, CERN, 1211 Geneva 23, Switzerland, texte original : « Links allow the topology of the information to evolve, so modeling the state of human knowledge at any time without constraint. »

2 comments for “Tim Berners-Lee, le sens du lien

  1. 19 novembre 2010 at 9 h 07 min

    Bien, Mr Tim Berners-Lee, vous devriez avoir un Prix Nobel.
    Merci.

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