Il n’est plus très loin le jour où un duo de contrôleurs des droits d’auteur se présentera à votre porte pour faire l’inventaire légal de vos biens. Quelques jours auparavant, un gentil mail vous aura prévenu de leur visite : « Madame, Monsieur, veuillez être présent à votre domicile tel jour à telle heure afin de recevoir nos agents de la lutte contre le piratage. L’inventaire des droits d’auteur est imposé à chaque citoyen par la loi 125-456 du 13 décembre 200X, quiconque ne s’y soumettrait pas serait passible dune amende allant de 1 600 à 75 000 euros et/ou d’une peine d’emprisonnement de 3 mois avec sursis à 6 ans ferme…. ».
Ce jour là n’est pas si loin car déjà je regarde ma discothèque en me disant : ai-je bien consommé ? Je n’ai là qu’une petite centaine de CD, représentant à peine 1 500 euros, suis-je bien certain d’être en droit d’écouter de la musique ? Ah mais je pourrais toujours leur montrer ma collection de vieux 33 tours et les cassettes, tous légalement acquis.
L’industrie du disque va mal, et je me sens coupable. Depuis combien de temps n’ai-je acheté de disques ? Peut-être que je dépense trop d’argent en livres et en journaux ? Au fait, la presse ne se porte pas bien non plus, et moi qui n’arrête pas de lire gratuitement des journaux en ligne. Sans parler de tous ces sites indépendants, de tous ces blogs, sans modèle économique. Faudrait-il que je n’achète plus que des journaux dûment remplis de pub ?
Depuis combien de temps, n’ai-je pas fait l ‘acquisition d’un vêtement neuf ? D’un nouvel ordinateur, d’un nouveau téléphone portable, d’un nouveau vélo ? Moi qui suis l’un des consommateurs privilégiés, suffisamment aisé pour partir en vacances, quelle honte !
Et dire que je suis sur le point de mettre un terme à mon abonnement France Télécom. Alors que je me devais à la suite de mes parents et de mes grand parents de continuer à payer pour cette si fameuse infrastructure que notre opérateur national peine toujours à rentabiliser, quelle ingratitude !
Je n’ose plus me regarder dans la glace, moi qui n’achète pas de crème de jour anti-vieillissement, ni de crème solaire, pas même de lotion hydratante ou de crème à raser, qui me contente d’une éponge et d’un peu d’eau pour nettoyer mon lavabo, d’un paquet de riz et de quelques légumes pour m’alimenter. Je me sens petit, mesquin, alors que mon supermarché du coin est si bien fourni, que tous les produits vantés par la télévision y sont. Que va dire Sarkozy ?
Et moi qui croit au futur : à l’essence de betterave, au générateur à hydrogène, à l’énergie solaire, au réseau de communication à coût zéro, à la récupération d’eau de pluie, ne suis-je pas en train de menacer la planète, son économie, ses ressources ?
Il vaut sans doute mieux que je me rende aux autorités, qu’ils me retirent tous mes droits, que l’on m’enferme chez moi jusqu’à ce que mort s’en suive. Je suis devenu un danger pour la patrie.