Non mais !

Je ne dois pas avoir tout compris. Nul ne s’en étonnera de la part d’un ordinaire citoyen que l’on sollicite en moyenne une fois par an pour choisir une femme ou un homme parmi une liste de candidats à un mandat électif. Mon vote compte un peu, mon opinion un peu moins, mon avis pas du tout. Pour une fois, et c’est la seconde fois de mon existence d’électeur, on me demande un avis tranché, cette fois sur un projet de traité de constitution pour l’Europe. Je répondrai oui ou non. Ceux qui l’emporteront se chargeront bien volontiers de tracer les nuances. C’est ainsi.

Inutile de rappeler ici les heures passées à essayer de comprendre de quoi il retournait, les discussions avec les amis, les longues soirées de télévision, les outrances du bocal médiaticopolitique. Je ne comprends pas le TCE. Je sais pourtant lire, j’ai quelques notions de droit, de politique même, mais je ne comprends pas ce traité de constitution pour l’Europe.

J’ai appris à l’école qu’avant 1789, nous vivions sous un régime monarchique, puis une démocratie républicaine, puis l’empire, puis une monarchie constitutionnelle, puis à nouveau et enfin une démocratie républicaine. Quand je lis le TCE, je ne sais pas de quoi il s’agit.

Est-ce une nouvelle forme de démocratie ? Est-ce une fédération d’états démocratiques ? Est-ce un régime oligarchique ? Technocratique ? Timocratique ? Est-ce un peu de tout ça à la fois ? Que sont les droits et les devoirs d’un citoyen européen ? Qui sera responsable devant le peuple européen de la politique conduite en Europe ? Qui contrôlera l’exercice du pouvoir ? Comment les lois seront-elles débattues ? Quelle est ma place de citoyen là-dedans ?

J’ai lu, relu le traité, rien n’est clair. Chaque article en cache un autre qui appelle la lecture d’un troisième. La charte des droits fondamentaux dit une chose, mais cette chose ne s’applique que si la constitution européenne le veut bien, que si le droit national ne dit pas le contraire. Où est le droit ? Où sera la justice ? Où seront les responsables ?

Nous vivons en paix, ou presque, depuis 60 ans. Je préfère notre cinquième République vieillissante, une démocratie essoufflée, au régime de Vichy. Bien. Vais-je devoir maintenant avaler le TCE parce que c’est un moins mauvais traité que Nice ? La politique est-elle devenue une affaire de traités, de contrats plus ou moins bien ficelés, avec des clauses cachées que de rusés avocats sauront faire jouer en faveur de quelques fortunés ? Le TCE est un meilleur contrat que le traité de Nice pour le citoyen français, cela signifie-t-il que je paierai mon abonnement de téléphone mobile moins cher, que la TVA de la restauration baissera, que La Poste continuera de fonctionner, que les avions seront plus gros ? Ou bien le contraire ? Mais pourquoi diable faut-il que je signe un contrat ?

Le seul contrat politique que je signe s’appelle le contrat social. C’est un contrat qui lie les citoyens et leurs élus. Le citoyen Chirac, réélu président de la République en 2002, nous invite à nous prononcer sur le TCE. Il a estimé, et nous lui avons conféré ce pouvoir et cette charge, que l’adoption du TCE par les citoyens français passait par un référendum. Et tous les jours, tels les vaillantes chargées de développement commercial d’un opérateur téléphonique, les hommes politiques en faveur du oui nous répètent que refuser ce TCE serait impossible. Impossible, Il n’y a pas de plan B disent-ils. Pas de plan B ? De quoi me parlent-ils ? Un traité, une constitution, un contrat, un référendum, et maintenant un plan ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Est-ce par déformation professionnelle qu’ils parlent ainsi : « si je perds les élections législatives, je me rabattrai sur mon mandat de maire, c’est mon plan B ».

Moi, j’ai un plan B pour eux en cas de victoire du non. Qu’ils fassent leur boulot de politiques. Qu’ils convoquent une constituante, une vraie. Une constituante élue par les Européens, qui elle planchera sur les questions que 99 % des électeurs se posent : c’est quoi cette politique ? A quoi ça sert une constitution ?

Des questions que, soit dit en passant et sans méchanceté, on se posait déjà il y a 2500 ans et qui déjà n’avaient rien à voir avec la taille des avions.

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