L’optimisme technologique de Vannevar Bush

Très beau texte. L’auteur fait tout d’abord le constat que l’immense effort de guerre a fait avancer la science dans bien des domaines, sans que cela ne bénéficie à l’homme lui-même. Vannevar Bush est impliqué en toute conscience dans cet effort de guerre qui mènera à Hiroshima et Nagasaki. Il justifiera en public et en privé le choix d’avoir recours à la bombe pour clore la guerre et marquer durablement les esprits. Mais c’est sans doute dans un état d’esprit un peu différent qu’il aborde la rédaction de ce texte.

Vannevar Bush en 1949 - Life magazine

Vannevar Bush en 1949 - Life magazine

On le voit à l’oeuvre tel un enfant réalisant un meccano, associant telle invention avec tel procédé, tel schéma encore expérimental avec la maîtrise de tel matériau. L’optimisme technologique de Vannevar Bush est frappant. Sa vision procède sans doute de la position exceptionnelle qui fut la sienne durant les cinq années précédentes. Etre à la tête des 6 000 chercheurs les plus pointus de l’Occident allié lui a permis tout à la fois de recueillir la connaissance des meilleurs techniques du moment et de constater à quel point la question de la communication entre scientifiques était cruciale pour l’avancée des recherches elles-mêmes.

Vers un nouvel esprit scientifique

Son réalisme froid associé aux certitudes du chercheur qui a lui même conçu avec succès des machines pour calculer des équations différentielles, lui permet de projeter sans trembler le schéma d’une invention qui aurait davantage sa place dans un livre de Jules Vernes. Le Memex, machine à indexer l’information pour libérer la mémoire de l’homme, est dans l’esprit de Bush, aussi réelle que les microfilms et les transistors qu’il tient entre ses mains. Il a vu tant de progrès fulgurants dans les techniques durant les cinq dernières années qu’il ne fait aucun doute que ces machines verront le jour sous peu.

Enfin, son texte est l’expression d’un nouvel esprit scientifique aux antipodes de celui de Gaston Bachelard. Pour Bush, l’important ici ce sont les « affaires des hommes », pas la vérité scientifique, mais en quoi les sciences peuvent être utiles aux hommes. C’est une vision qui sera au coeur de la domination l’Amérique de l’après-guerre : mettre les sciences au service des hommes, donc de son économie, donc de l’économie américaine.

Vannevar Bush, As We May Think (quelques extraits en VF), 1945, The Atlantic Monthly

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